lundi 30 avril 2007

Episode 11 : Namibie - Rundu, 2412 km




Nous faisons un petit détour par Seronga, de l’autre cote du delta, pour passer deux jours sur un mokoro (barque traditionnelle) avec “Okavango Polers Trust”. C’est une organisation communautaire, pour un tourisme plus équitable. Une structure montée par et pour les locaux. Merci aussi a Ossi le manager pour ses reducs et a Pousso, notre poler (rameur) pour la belle ballade parmi les waterlilis (nénuphars aux fleurs splendides sur les eaux calmes du marais). Des instants inoubliables a naviguer dans une végétation luxuriante.
Voila une belle façon de quitter le Botswana. Hakuna Matata ! (Pas de problèmes en Setswana)

Le 18 avril, nous entrons alors en Namibie d’une étrange manière puisque nous sommes contraints de prendre une véhicule sur 12 km. Apres les barrières douanières, un parc naturel avec une forte concentration de gros animaux sauvages. Même si nous aurions pu échapper a la vigilance des gardes, nous pensons a nos mamans et prenons un lift.
Nous parcourons une partie de la bande Caprivi sur la route de poussière en longeant la rivière Kavango. De l’autre cote, nous distinguons l’Angola. Nous retrouvons le plaisir de la marche en Namibie : des maisons partout, des gens qui disent bonjour (Moro), une route tranquille et magnifique et une rivière dans laquelle nous nous baignons régulièrement (et lavons nos fringues tout cradou) . Ca change définitivement du bush aride botswanais !
Ici, tous les jeunes jouent au football. Nous n’avions pas croise autant de terrains jusque-là, ca fait plaisir. Ils se marrent a voir une fille, en la personne de Virginie, taper dans le ballon (et se faire taper par le ballon !).
A camper un peu partout, nous égrenons nos affaires : 6 paires de lunettes de soleil perdues ou cassées (made in china), le chapeau de Géraud, de nombreuses culottes, pinces a épiler et le plus terrible … l’harmonica. AArghh ! Le bâton en bambou du Mozambique a rétréci d’un quart, et nos semelles de chaussures n’en peuvent plus ! Nous ne cessons de faire réparer nos affaires.

Alors que Géraud finit de narrer son conte quotidien – l’histoire d’un voyageur qui accompagne un autiste dans un institut spécialisé a travers les Monts du Cantal - le soleil se couche et il est temps pour nous de trouver un endroit pour piquer la tente. Et la, soudainement, se dresse devant nous une pancarte : « Philadelphia, foundation for orphans in distress – 1 km »Virginie et moi, on se regarde : Ca alors ! si c’est pas la Providence ! Nous prenons le chemin, naturellement. Pour nous accueillir : Leoni ; puis Jos, la volontaire et Ellen viennent a notre rencontre avec de larges sourires. L’endroit est merveilleux, j’ai bien dit MERVEILLEUX !
Une belle maison en bois au bord du fleuve, un jardin, des animaux, des structures an bois autour… un autre coin de paradis. Nous sommes reçus chez elles. Une petite bouffe, que du bonheur : un pain qu’elles sortent tout juste du four, une bouteille de vin rouge qu’elles débouchent joyeusement, un bon poulet de chez elles, des veg (mmmh) … et en bonus : un gâteau au chocolat qu’elles venaient de faire. Cela tome a pic pour l’annif de Virginie !!!
Ellen est hollandaise, Leoni est sud-Af. Elles ont décidées voila deux ans de quitter Windhoek et leurs vies sans saveur pour venir ici et construire une vie sensée et un bout de paradis. Beaucoup de travail, des opportunités, de la foi, et de l’audace auront raison du bush et de cette Afrique « paumée ». Leur projet d’orphelinat se met doucement en place. Elles visitent écoles et familles des villages alentours, font un gros travail d’accompagnement dans les communautés locales, mettant en place des projets d’amélioration des conditions de vie et capacités de la population. Elles s’activent énormément même confrontées a d’énormes problèmes culturels.
Notre journée suivante se traduit e un mot : ENJOY ! C’est juste rester sur le balcon sur pilotis, a contempler le fleuve, une tasse de rooibos dans les mains, a discuter avec ces fantastiques personnages que sont ces 2 femmes. Leurs parcours n’a pas été de tout repos mais il en est ainsi lorsque l’on commence un rêve. Cela nous donne des ailes pour réaliser les nôtres, en commençant par ce voyage.
Toutes les infos sur leur site (en hollandais, bientôt en anglais) :
Mais vous réentendrez parler d’elles, nous pouvons vous l’assurer.
Voila un anniversaire comme Virginie n’est pas prête de l’oublier !

En chemin, nous passons faire une visite dans les grandes fermes qui se profilent. Tenues par des blancs, ce sont des cultures sur des centaines d’hectares. Loffie (« Shadi Kongoro Farm » = l’endroit du grand du serpent) fait entre autre du Biodiesel, a base d’huile de Jatrophia. Il a 12 tracteurs et embauche 35 personnes a plein-temps et jusqu'à 200 femmes pour la récolte. La veille de notre visite, on venait de lui remettre le « Namibian Agronomist Trophy 2007 » qui récompense la meilleure ferme. Le même jour, on lui annonce que le gouvernement reprend les rênes l’an prochain et qu’il sera mis a la porte. Une fois de plus, on peut largement soupçonner que la ferme va tomber en désuétude car les gens d’ici ne sont pas capable de gérer des « commercial farms » surtout quand le salaire est malgré tout assuré a la fin du mois… Comme il dit : « Faut pas chercher a comprendre, c’est l’Afrique ».

Les rives du Kavango sont habitees par le peuple de la rivière, qui de fait survit beaucoup de la pêche. Les origines, ici sont incroyablement diverses : Umbukushus, Sambyu, Diriku, Kwanghaili, sans oublier les refugies angolais très nombreux (agréable de se remettre au portugais)… En exagérant un peu, il y a tous les 20 km, une nouvelle culture et langue. Ici aussi, la population est terriblement touchée par le Sida 40% au nord de la Namibie) mais aussi la malaria. Nous terminons la de diffuser nos graines d’artemisia. Sur les 45 sachets distribues, nous espérons que 10% de projets sérieux aboutiront. Le temps nous le dira …

On the road again... (again)

Geraud :
Marcheurs, nous sommes pareils a des navires. La mer est notre esprit. Lorsqu’elle est agitée, c’est qu’on a du mal, qu’on ne parvient pas a surmonter les conditions, le corps fait mal, il fait chaud ou parfois c’est la cargaison du bateau qui se fait trop lourd. Mais certains jours, c’est toutes voiles dehors et d’un vent favorable que nous naviguons sur un flot apaise. Le meilleur moment reste quand le bateau est amarre au port dans la nuit sereine, quand les étoiles veillent sur nous… Il arrive qu’on essuie des tempêtes entre nous a force de se côtoyer, de se frotter, l’électricité émane. Il serait tentant de faire route chacun de son cote pour un ou deux jours, de scinder le navire. Mais ce voyage, c’est ensemble dans le même galère… Alors, on prend son courage et on essaie de réparer la machine pour continuer a avancer. Ce serait trop facile de s’échapper.
Finalement, la route permet de nous connaitre : nous parlons de la famille, de notre enfance, de nos voyages et de nos réflexions sur les gens rencontrées. Nous réfléchissons l’Afrique, aux cultures si éloignées. Certaines choses que nous ne seront jamais aptes a comprendre.

« Am I the boat ? Am I the sea ? May be both."
Jorane

Virginie :
Marcher, c’est aller voir l’autre, observer, apprendre l’autre, se faire autre. Nous essayons de ne pas juger mais parfois il faut bien le reconnaitre : le choc est grand. Choc des cultures, choc d’inculture, j’essaie de comprendre sur la route l’Afrique que je voie mais bien des choses me dépassent. Finalement que je ne percerai jamais.
J’entends souvent : « L’Afrique, c’est l’Afrique et restera l’Afrique »
Elle est belle, sereine, souriante, colorée, chaleureuse, simple ... mais aussi oisive, torturée, corrompue, immobile.
C’est presque tous les jours que se présentent a nos yeux des histoires ou des exemples terrifiants de développement raté, d’argent inutilisée ou détournée. Ici, plus qu’ailleurs, je me pose naturellement beaucoup de questions sur les politiques d’aide pour l’Afrique.
Aide ou spoliation ?
Les résultats sont bien maigres face aux milliards ingérés.
L’Afrique, en tous cas, une grande leçon.

dimanche 15 avril 2007

On a marché sur la tete - 2000 km

Il s'attarda un cout moment
Dans les petites îles solitaires
Et n’y trouva rien que des herbes folles ;
Si bien qu’à la fin, il n’eut plus qu’à rentrer au bercail
Avec son rayon de miel,
Mais en chemin, son message à l’esprit lui revint,
Et sa commission par la même occasion !
Voyageant et voguant et vagabondant
Ils avaient oubliée dans ses sorcelleries
Et ses enchanteries.
Aussi doit-il repartir maintenant,
Et fréter a nouveau sa gondole.
Toujours il sera ce messager, ce passager
Toujours il sera ce trainard,
Ce rôdeur qui va errant comme la plume au vent,
Ce matelot poussé par le vent.

"Errances" - J.R.R Tolkien

Episode 10 : Botswana - Shakawe, 2160 km





Sur une route bitumée, transpirante, bushy, c’est les pieds et la tête qui marchent.
Le Botswana, c’est le pays de l’âne mais nous marchons sans, a cause de règles « idiotes ». Pourtant, ce n’est pas faute d’essayer ; on s’est pas mal fatigués a porter ces lourdes sacoches d’âne. Tant pis, on poursuit l'aventure sans bourri. Snif !
Nous contournons le delta, faute de pouvoir le remonter en bateau. Ici, on marche vraiment sur la tête (voir photo).

Le Botswana, c’est le défi physique de notre Rencontre avec la terre. Heureusement, dans ce grand semi- désert, il y a le "cattle-post" : quelques kaya (huttes rondes) abritant les gardiens de bétails. Partout, le gouvernement distribue des bouts de terre aux botswanais pour faire de l’élevage. Le pays est rempli de bétail (bœufs, ânes, chèvres…). Achetée par les abattoirs nationaux, la viande est ensuite exportée à 80% principalement vers les marchés européens. Le business du bétail fait vivre pas mal de monde. Sur la route, le cattle-post nous fait vivre aussi. Tous les matins ou presque, nous en trouvons un pour acheter lait frais ou madila (lait caillé). En ce qui concerne les cultures, le pays est complètement dépendant de l’Afrique du Sud. Alors, le gouvernement tente d’inciter les cultivateurs mais cela ne prend guère au Botswana, terre d’élevage (aussi parce que c’est du boulot et que les gens tiennent à leur tranquillité).
C’est rigolo d’ailleurs : au Mozambique, on nous accueillait avec des bananes et des mangues et nous rêvions d’un bon bol de lait. Au Botswana, les gens nous gavent de lait et nous nous prenons à rêver de bons fruits frais.
Signalons de nouveau, la politique exemplaire du Botswana en terme d’éducation et de santé : salaires corrects, logements de fonction, infrastructures modernes et équipées, bourses d’étude, rations alimentaires pour les plus demunis, soutien financier pour les malades… grosse politique de soutien, avec les excès que cela implique parfois, profiter du système.
Le gros hic du Botswana : c’est le Sida. Un tiers de la population infectée, en grande majorité dans les milieux ruraux (petits villages). Polygamie, pas de capotes, la tradition et un fatalisme déconcertant sont les grands responsables. Ce n’est pas simple. A deux reprises, nous sommes accueillis chez des conseillers VIH, en charge d’aller tester la population et d’un travail de prévention auprès des séropositifs. Un médecin nous confesse : « Certains sont même contents d’apprendre qu’ils sont malades pour être pris en charge »
Ignorance, fatalisme ??
Enfin, le Botswana, c’est aussi un grand mélange de cultures et de langues que nous découvrons tout autour de l’Okavango. Si la majorité parle Setswana, nous rencontrons après Maun des familles herero (chassés de la Namibie après la colonisation allemande), des sambukushus (pêcheurs du delta originellement réfugiés angolais), les bushmen plus basés vers le Kalahari et d’autres encore… L’anglais est officiel mais bredouillé.
Nous sommes decus de ne pas voir et entendre plus de musique. A part peut-être le Kwasa-Kwasa a la radio, les gens d’ici ne chantent ni ne jouent (« j’ai l’air fin avec mon harmonica » dixit Géraud)
Nous achevons presque le tour du delta : pas loin de 400 km avalés en moins de 15 jours. Nous aurions du croiser des éléphants sur la route mais n’avons pas eu cette chance...Ou trop, ils disent ici que nous sommes protégés de Dieu.
L’autre jour, nous tombons pourtant presque nez a nez avec un mamba noir que Géraud a d’abord pris pour un bout de pneu, un des serpents les plus dangereux au monde.
Autre épisode animalier : Virginie s’est fait mordre l’arrière du genou par un chien. Nous sommes outrés à chaque fois du traitement réservé aux animaux domestiques. Anes et chiens pas soignés et ces derniers crèvent la dalle (alors ils bouffent du cuissot !).
Nous arrivons a Shakawe, dernier gros village avant la Namibie (a 13 km). Mais nous patientons avant de franchir la frontiere avec un repos mérite dans la Lodge de la famille Drotsky. Superbe lodge, les pieds dans le fleuve pour pas un rond. Nos nuits sont bercees par le chant des hippopotames.
Nous y croisons Janie et sa bande de francais. Echanges sympas.
A suivre, nous projetons un tour de mokoro, barque traditionnelle creusée dans un tronc pour enfin être sur le delta (ho, les touristes)…

La montee des eaux du delta